Premier article d’une aventure qui a commencé bien avant le départ, prévu le 4 novembre 2007 du festival d’Aix les Bains.

De retour mi-mars 2006 d’un long périple de 10 mois et demi autour de l’hémisphère sud, il y eut d’abord le temps des retrouvailles et du repos. De longues semaines de claustration, comme un antidote à trop d’itinérance, de rencontres amicales, comme un remède à trop de solitude.

Puis ce temps de récupération prit fin, et il fallut accepter de revenir à la vie, dans ce qu’elle a de citadine, de routinier, de franco-français, d’étroit, entre courses au supermarché et facture EDF, soirées grand-mère et  parties de scrabble sur Internet, confort douillet et stupidités télévisuelles, etc. Très vite il me fallut à nouveau un projet, un désir.

Ce tour du monde merveilleux avait néanmoins deux inconvénients : d’une part ne pas me permettre de rencontrer les habitants des pays que j’ai traversés, d’autre part ne pas avoir d’autre but que le plaisir de faire le tour de la terre. Chaque jour la motivation à découvrir des terres nouvelles suffit à se lever et à poursuivre l’itinéraire, mais il serait malhonnête d’affirmer que cela suffit vraiment tous les jours. Souvent, je me suis demandée ce que je faisais là, souvent j’ai éprouvé le sentiment d’une certaine absurdité à tourner ainsi en rond, à poursuivre avec assiduité le trajet que je m’étais fixé un an avant. Il me fallait repartir, oui, mais avec un objectif. Il me fallait voyager, oui, mais autrement, à la rencontre de la vie quotidienne d’autres que moi, ailleurs que dans les hôtels, bed and breakfast et autres auberges de jeunesse ou pas, où ne se trouvent que des touristes, comme moi.

C’est ainsi qu’est née l’idée de repartir, dans un objectif qui me concerne et m’intéresse. J’ai alors proposé ma candidature à diverses organisations humanitaires, mais sans succès ! Le volontariat de l’ONU, les Médecins du Monde ou Sans frontières, n’ont cure d’une dame comme moi, psychosociologue de formation, allant sur la soixantaine, et un peu baroudeuse sur les bords. Je n’obtins aucune proposition si ce n’est celle de Psychologues du Monde, qui m’offrit de passer six mois en autarcie aux fins fond de l’Arménie, à former le personnel soignant des traumatisés d’un tremblement de terre, armée d’un traducteur ! Non. A être sédentaire, je préfère passer l’hiver dans mon 15ème arrondissement, et à me délecter d’entendre autour de moi la langue française que j’aime tant !

La conception du projet vint d’une rencontre avec Jacques Lachkar qui, face à mes état d’âme de retour de voyage, me suggéra l’idée suivante :  « Pourquoi ne proposes tu pas de repartir pour la promotion du scrabble en Afrique francophone ? La FISF a besoin d’aide dans ce domaine ».

C’était le mois de juillet à Tours. Premier tournoi pour moi depuis plus d’un an,  à 4 mois à peine de mon retour. L’idée, à peine conçue, était proposée à la FISF et aux africains présents aux Championnats du monde de 2006. Et voilà que déjà le projet prenait forme ! Projet de repartir, avec la chance extraordinaire de faire coïncider évasion et passion scrabblesque, itinérance et utilité. L’accueil du projet, à peine formulé, fut immédiatement positif de la part de la FISF, au point que je conçus l’espoir de repartir dès l’automne 06. Mais, je le sais, je suis de nature impatiente, et il me fallut attendre encore un peu pour qu’il prenne corps.

De juillet 06 à mai 07, nous avons du trouver l’argent nécessaire pour rendre le projet réalisable. Le plus gros poste budgétaire concernait bien sûr le véhicule de la tournée. Nous recherchions donc un sponsor, susceptible de nous mettre à disposition pour 6 mois, une camionnette de 8 à 10 m3. Le problème est surtout de trouver un sponsor qui considère que le développement du scrabble en Afrique francophone est une cause qui en vaut la peine ! Le scrabble déjà n’est pas une discipline très attractive pour les industriels ! Quant à l’Afrique, et aux marchés qu’elle représente, bien peu s’en soucient. Par ailleurs, les choses ne sont pas si simples. Chaque entreprise définit des années à l’avance ses plans en matière de sponsoring, et ne déroge pas de la ligne qu’elle s’est fixée. L’une va s’investir dans le rugby, l’autre dans le tennis, et tout ce qui est hors champ est automatiquement rejeté.

Tous les constructeurs automobiles ont été contactés en priorité, mais aussi les fondations, les banques, les opérateurs de téléphonie mobile, secteur très porteur en Afrique. Seul Antonin Michel, (décidément l’homme qui réussit tout dans la vie !) a su convaincre le groupe DaimlerChrysler de l’intérêt de notre projet. Donc ça y est ! En théorie, ce camion nous l’avons, bien qu’aucun contrat n’ait encore été signé avec l’entreprise donatrice, filiale du groupe : Truckstore, société de commercialisation de camions d’occasion toutes marques. A l’heure où j’écris, nous attendons l’officialisation de cet engagement. Et je ne dormirai tranquille que le jour où les clefs du camion seront dans mon sac !

Mais on ne peut attendre plus longtemps pour agir concrètement, si l’on veut être fin prêt pour le 4 novembre. Il faut en effet du temps pour informer les licenciés du projet, les motiver à y participer, organiser la collecte, les simultanés, et surtout bâtir avec chaque pays africain concerné un plan d’action qui corresponde à ses besoins. Tout cela, on s’en doute, avec le seul outil du mail, sans jamais pouvoir ni se voir ni vraiment discuter ensemble. Première difficulté : avoir des adresses valides et qui fonctionnent !

A ce jour, toutes les fédérations ou associations africaines ont été contactées, et l’ensemble de la documentation concernant le Rallye des mots leur a été adressée. On demande à chaque pays de constituer une commission sur le projet, et de désigner un correspondant qui sera mon unique interlocuteur.
Tous les correspondants ne sont pas encore identifiés, mais cela est en cours.

Dès lors que mes interlocuteurs seront désignés, ils recevront un questionnaire permettant de mieux connaître la situation du scrabble dans leur pays, leurs besoins et attentes, leurs actions en matière de promotion et leurs objectifs. Un plan d’action très précis sera bâti avec chacun d’eux pour utiliser au mieux le nombre de jours passés dans chaque pays, environ 8 à 10 jours. 5 mois ne sont pas de trop pour organiser des tournois, des actions de promotion scolaires ou grand public, des rendez-vous avec les autorités ministérielles et les institutions concernées par la langue française comme les délégués de l’OIF ou les Alliances françaises.

Je dois dire que les premiers contacts par mail m’enthousiasment ! Les africains se montrent très motivés, et prêts à s’investir dans le projet. Leurs remerciements pour l’initiative,  leurs encouragements, me font chaud au cœur !

Quant à moi, des baobabs plein la tête, je suis très impatiente de mettre des visages sur leurs jolis noms : Djiibo, Abdou, Moussa, Daiba, Ndiaye, Mbaye, etc… !