C’est Ely qui vient me chercher avec son 4X4 pour nous rendre à Nouadhibou, ville frontière du Sahara occidental, tout au nord du pays.
Occasion pour moi de discuter un peu en privé avec lui, et de confirmer mes impressions sur la nécessité de renouveler le bureau. L’idée est maintenant acquise, et lui seul peut se présenter comme candidat à une présidence valable. Le président actuel n’est pas un scrabbleur et n’a pas montré son dynamisme. Une nouvelle équipe donnera un nouvel élan.
La route de Nouakchott à Nouadhibou est facile à décrire ! Elle est rectiligne sur 500 kilomètres, et traverse un désert uniforme et plat la plupart du temps, longue monotonie, où se succèdent de toutes petites nuances de couleurs. C’est ainsi que l’on se rend le mieux compte de l’immensité du désert. Pas grand-chose pour accrocher le regard, si ce ne sont parfois quelques tentes maures en coton blanc ou de petites baraques isolées de tout, au milieu de nulle part, dont on se demande ce qu’elles font là.
Nouadhibou est une ville blanche aux maisons basses sur l’océan atlantique. L’espace ici ne manque pas (deux fois la superficie de la France pour seulement 3 millions d’habitants !), et les constructions ne dépassent pas souvent un étage. Nous nous rendons chez un scrabbleur, Sida, qui nous accueille dans sa maison. Nous serons rejoints plus tard par 4 ou 5 autres. La soirée se passe en tailleur sur des tapis autour d’un plateau de scrabble bien sûr, entre verres de thé sans cesse renouvelés, et dattes. L’atmosphère est très amicale, chaleureuse. Je m’imagine moi, petite bonne femme occidentale, au milieu de tous ces hommes en boubou ! On ne verra pas l’épouse qui nous a préparé à manger sans doute toute la journée. Beaucoup de travail, travail des femmes dans l’ombre absolue, toujours et partout… Je ne suis pas sûre de toujours mesurer la chance qui est la mienne !
Les joueurs joueront très tard, toujours avec le même enthousiasme. Je ne tiendrai pas jusqu’au bout. L’intérêt porté au jeu ici est incroyable. Autour de chaque plateau où s’affrontent 4 joueurs, il y en autant qui se contentent de regarder ! Un bel exemple de l’amour du scrabble que cette participation si attentive et si active des simples spectateurs. Les parties s’enchaînent tard dans la nuit et personne ne semble se lasser.
Je suis conduite chez un ami de Moulaye pour passer la nuit, tandis que les joueurs dormiront dans la pièce où nous avons joué. Moulaye lui, ne me quitte pas, et dormira dans la pièce d’à côté. C’est une de ces maisons construites par la SNIM pour ses employés en lotissements. Chaque partie du lotissement correspond à un grade dans l’entreprise, et les maisons d’une même catégorie de personnel sont toutes semblables. L’ensemble est plutôt agréable. Il y a quelques arbres et beaucoup d’oiseaux qui viennent y faire halte sur leur longue route de l’Europe vers l’Afrique. Il y a la mer, toute proche, dont on sent la brise, et le temps est absolument superbe, même si mes amis mauritaniens ont l’air de considérer qu’il fait froid !
La SNIM est la principale entreprise de Mauritanie. Elle exploite et achemine le minerai de fer extrait dans le nord du pays à Zérouate. Un immense train fait la liaison entre Zouérate et Nouadhibou. Ce sont des centaines de wagonnets d’aspect rouillé et uniforme qui sont tirés par une locomotive et passent trois fois par jour sur cette voie ferrée en plein désert. Un spectacle un peu surréaliste ! C’est l’unique liaison ferroviaire du pays. Nouadhibou est d’ailleurs une ville industrielle, mais dans un environnement naturel exceptionnel : celui du banc d’Arguin, réserve classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Ce matin visite du Cap Blanc et de sa presqu’île après le petit déjeuner chez Sida. C’est la rencontre des sables et de la mer, du désert du Sahara Occidental et de l’océan atlantique. Ici vivent les derniers phoques moine de la planète. Superbe ! Une grosse épave de navire est échouée là. Au nord et au sud de ce point c’est une « plage » immense ! Photos.
Durant ces deux jours, je vis totalement à la mauritanienne et avec les mauritaniens. Déjeuner vers 14h30 après la prière, devoir auquel tous les scrabbleurs s’acquittent, et pendant lequel je m’éclipse discrètement. Puis scrabble et encore scrabble, toujours sur le tapis, et j’ai encore des progrès à faire pour que mes articulations s’adaptent à ce que je leur fais subir. Je change régulièrement de position pour ne pas m’ankyloser, cherche l’appui d’un ou deux coussins, mais ce n’est pas toujours facile.
Le niveau des scrabbleurs est bon, mais ma pratique du duplicate, avec ce qu’elle comporte d’exigences par rapport au classique, me permet le plus souvent de gagner, et ce, malgré des erreurs évidentes de stratégie. Je m’amuse à ces défis, souvent bon enfant, toujours amicaux, et surtout tellement passionnés que n’importe qui s’y laisserait prendre !
Le dîner est servi aux environs de 22h30. C’est toujours un ou deux plateaux, posés à même le sol, et dans lequel tout le monde plonge les mains. On m’apporte une cuillère ou une fourchette, et je remercie mes hôtes pour cette compassion. Car sinon, il faudrait rouler dans la main les frites et le riz en sauce avec une bouchée de poisson, de façon à former une boulette compacte que l’on porte à sa bouche. Pas évident pour quelqu’un qui a été élevé à l’occidentale et qui a toujours entendu l’interdiction de mettre les mains dans le plat ! Nos gosses en tous les cas se régaleraient de manger ainsi !
Et l’on joue, jusqu’à épuisement…
Ainsi se passent ces deux jours. J’ai l’impression de m’être faite des amis.