Blog Rallye des Mots
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Nouakchott, 24 janvier 2009
Qu’est-ce que c’est chouette, le jour du départ ! Le sac est enfin bouclé, la maison à peu près en ordre, et l’on savoure la dernière heure, celle où il ne reste plus qu’à attendre que ce soit l’heure en buvant son dernier café.
L’avion, un magnifique Air Bus d’Air France, décolle à 16 heures. J’ai le temps de traîner un peu dans les boutiques de l’aéroport, d’un luxe inouï, offrant à la tentation tout ce que la France a soit disant de plus représentatif : la gastronomie Hédiard (à 6,5 € le petit sandwich au thon, dont je décide de me priver au profit d’un Kitekat plus raisonnable !), les parfums et cosmétiques, les produits régionaux, etc. Les vitrines de notre beau pays offrent aux touristes l’image d’un paradis où tout est possible. J’imagine ce que doit ressentir l’immigré mauritanien quand il débarque et que, quelques heures après, il se retrouve dans une chambre de 10m2 au foyer Sonacotra où il est attendu ! Bon, ne commençons pas à philosopher, ou à sociologiser tout le temps, et mettons nous dans la peau des vacances !
Le vol est assez turbulent dès que nous sommes au niveau du sud ouest français, rappelant que nous sommes en des jours de tempête de vent après avoir subi des jours interminables de froid glacial. C’est un vol Air France. Service impeccable, projection du dernier Woddy Allen, un peu plus classe que ce dont j’ai l’habitude.
Nous atteignons Nouakchott après 5 heures de voyage. Il fait nuit et 23°C. Aussitôt débarquée de l’avion et sans avoir encore ni récupéré mes bagages ni franchi la douane, quelqu’un m’interpelle : « Nadine ! ». Suis-je connue ici comme le loup blanc ? Non pas vraiment, mais attendue, oui. Mes hôtes s’emparent de mon passeport et, comme par miracle, je me retrouve sortie de l’aéroport sans avoir rempli aucun papier. Madame maire d’un quartier de la ville est là elle aussi. Je salue, en évitant de serrer les mains des hommes, comme j’ai lu qu’il ne fallait pas le faire dans le guide du Routard, sans lequel je ne serais rien dans ce monde !
Il y a là Moulaye Zein qui sera mon guide durant tout le voyage, Jacob, un sénégalais qui assure la communication du Scrabble, Keba que j’ai rencontré à Dakar lors des championnats du monde, Ely, mon correspondant chargé de préparer le Rallye, et Aly dont j’ignore encore la fonction, et peut-être d’autres encore que j’ai oubliés et auxquels je demande par avance de m’excuser…Madame la Maire a prévu pour moi un véhicule de tourisme pour Nouakchott avec chauffeur, et un 4X4 pour me déplacer dans le pays. Je suis également logée par ses soins dans un hôtel du centre ville, mes hôtes n’ayant pas jugé bon de me laisser aller dans l’auberge du Routard où j’avais réservée. Là sont les bonnes surprises de l’Afrique, comme les mauvaises d’ailleurs. On ne sait pas grand-chose avant d’en avoir fait l’expérience et c’est sur le moment que l’on découvre la sauce à laquelle on va être mangée. Mais, miam ! A Nouakchott la surprise est bien bonne.
Nous nous rendons chez Keba pour un dîner que sa femme nous a préparé. Dans une immense salle à manger couverte de tapis le repas qui nous est servi est somptueux ! Plateaux de crudités savamment présentées, dattes à la crème, mouton grillé, fruits frais. Nous sommes assis sur le sol et la conversation est agréable, faite d’évocations de tout et de rien, sur la Mauritanie ou la situation internationale. Nous buvons du thé vert (trois théières sont de rigueur) et des jus de fruits maison : du « pain de singe » fait avec le fruit du baobab, du jus de gingembre et du bissap, probablement issu de la grenade tant son goût rappelle celui de la grenadine. Deux adorables bambins courent parmi nous. Ce sont les fils de Keba, qui m’explique t-on, comme tous les enfants mauritaniens, ne se couchent que lorsque les parents sont eux-mêmes couchés. Des enfants roi, qu’il n’est pas bien vu de soumettre à des règles trop strictes, enfin du moins pour les petits garçons. Car les filles, et la maman d’ailleurs, sont invisibles. Elles préparent les mets à la cuisine et nous servent ! Il se pourrait bien qu’elles aient envie d’aller bientôt se coucher !
Je ne vois pas grand-chose de la ville pour cette première nuit. Les rues sont très désertes. Le sable est déjà partout, annonciateur de ce désert dont j’ai tellement envie ! Ma chambre est spacieuse et confortable. Je dors comme un bébé sous ma moustiquaire.
2009
Paris, 1er juin 2007
Premier article d’une aventure qui a commencé bien avant le départ, prévu le 4 novembre 2007 du festival d’Aix les Bains.De retour mi-mars 2006 d’un long périple de 10 mois et demi autour de l’hémisphère sud, il y eut d’abord le temps des retrouvailles et du repos. De longues semaines de claustration, comme un antidote à trop d’itinérance, de rencontres amicales, comme un remède à trop de solitude.
Puis ce temps de récupération prit fin, et il fallut accepter de revenir à la vie, dans ce qu’elle a de citadine, de routinier, de franco-français, d’étroit, entre courses au supermarché et facture EDF, soirées grand-mère et parties de scrabble sur Internet, confort douillet et stupidités télévisuelles, etc. Très vite il me fallut à nouveau un projet, un désir.
Ce tour du monde merveilleux avait néanmoins deux inconvénients : d’une part ne pas me permettre de rencontrer les habitants des pays que j’ai traversés, d’autre part ne pas avoir d’autre but que le plaisir de faire le tour de la terre. Chaque jour la motivation à découvrir des terres nouvelles suffit à se lever et à poursuivre l’itinéraire, mais il serait malhonnête d’affirmer que cela suffit vraiment tous les jours. Souvent, je me suis demandée ce que je faisais là, souvent j’ai éprouvé le sentiment d’une certaine absurdité à tourner ainsi en rond, à poursuivre avec assiduité le trajet que je m’étais fixé un an avant. Il me fallait repartir, oui, mais avec un objectif. Il me fallait voyager, oui, mais autrement, à la rencontre de la vie quotidienne d’autres que moi, ailleurs que dans les hôtels, bed and breakfast et autres auberges de jeunesse ou pas, où ne se trouvent que des touristes, comme moi.
C’est ainsi qu’est née l’idée de repartir, dans un objectif qui me concerne et m’intéresse. J’ai alors proposé ma candidature à diverses organisations humanitaires, mais sans succès ! Le volontariat de l’ONU, les Médecins du Monde ou Sans frontières, n’ont cure d’une dame comme moi, psychosociologue de formation, allant sur la soixantaine, et un peu baroudeuse sur les bords. Je n’obtins aucune proposition si ce n’est celle de Psychologues du Monde, qui m’offrit de passer six mois en autarcie aux fins fond de l’Arménie, à former le personnel soignant des traumatisés d’un tremblement de terre, armée d’un traducteur ! Non. A être sédentaire, je préfère passer l’hiver dans mon 15ème arrondissement, et à me délecter d’entendre autour de moi la langue française que j’aime tant !
La conception du projet vint d’une rencontre avec Jacques Lachkar qui, face à mes état d’âme de retour de voyage, me suggéra l’idée suivante : « Pourquoi ne proposes tu pas de repartir pour la promotion du scrabble en Afrique francophone ? La FISF a besoin d’aide dans ce domaine ».
C’était le mois de juillet à Tours. Premier tournoi pour moi depuis plus d’un an, à 4 mois à peine de mon retour. L’idée, à peine conçue, était proposée à la FISF et aux africains présents aux Championnats du monde de 2006. Et voilà que déjà le projet prenait forme ! Projet de repartir, avec la chance extraordinaire de faire coïncider évasion et passion scrabblesque, itinérance et utilité. L’accueil du projet, à peine formulé, fut immédiatement positif de la part de la FISF, au point que je conçus l’espoir de repartir dès l’automne 06. Mais, je le sais, je suis de nature impatiente, et il me fallut attendre encore un peu pour qu’il prenne corps.
De juillet 06 à mai 07, nous avons du trouver l’argent nécessaire pour rendre le projet réalisable. Le plus gros poste budgétaire concernait bien sûr le véhicule de la tournée. Nous recherchions donc un sponsor, susceptible de nous mettre à disposition pour 6 mois, une camionnette de 8 à 10 m3. Le problème est surtout de trouver un sponsor qui considère que le développement du scrabble en Afrique francophone est une cause qui en vaut la peine ! Le scrabble déjà n’est pas une discipline très attractive pour les industriels ! Quant à l’Afrique, et aux marchés qu’elle représente, bien peu s’en soucient. Par ailleurs, les choses ne sont pas si simples. Chaque entreprise définit des années à l’avance ses plans en matière de sponsoring, et ne déroge pas de la ligne qu’elle s’est fixée. L’une va s’investir dans le rugby, l’autre dans le tennis, et tout ce qui est hors champ est automatiquement rejeté.
Tous les constructeurs automobiles ont été contactés en priorité, mais aussi les fondations, les banques, les opérateurs de téléphonie mobile, secteur très porteur en Afrique. Seul Antonin Michel, (décidément l’homme qui réussit tout dans la vie !) a su convaincre le groupe DaimlerChrysler de l’intérêt de notre projet. Donc ça y est ! En théorie, ce camion nous l’avons, bien qu’aucun contrat n’ait encore été signé avec l’entreprise donatrice, filiale du groupe : Truckstore, société de commercialisation de camions d’occasion toutes marques. A l’heure où j’écris, nous attendons l’officialisation de cet engagement. Et je ne dormirai tranquille que le jour où les clefs du camion seront dans mon sac !
Mais on ne peut attendre plus longtemps pour agir concrètement, si l’on veut être fin prêt pour le 4 novembre. Il faut en effet du temps pour informer les licenciés du projet, les motiver à y participer, organiser la collecte, les simultanés, et surtout bâtir avec chaque pays africain concerné un plan d’action qui corresponde à ses besoins. Tout cela, on s’en doute, avec le seul outil du mail, sans jamais pouvoir ni se voir ni vraiment discuter ensemble. Première difficulté : avoir des adresses valides et qui fonctionnent !
A ce jour, toutes les fédérations ou associations africaines ont été contactées, et l’ensemble de la documentation concernant le Rallye des mots leur a été adressée. On demande à chaque pays de constituer une commission sur le projet, et de désigner un correspondant qui sera mon unique interlocuteur.
Tous les correspondants ne sont pas encore identifiés, mais cela est en cours.
Dès lors que mes interlocuteurs seront désignés, ils recevront un questionnaire permettant de mieux connaître la situation du scrabble dans leur pays, leurs besoins et attentes, leurs actions en matière de promotion et leurs objectifs. Un plan d’action très précis sera bâti avec chacun d’eux pour utiliser au mieux le nombre de jours passés dans chaque pays, environ 8 à 10 jours. 5 mois ne sont pas de trop pour organiser des tournois, des actions de promotion scolaires ou grand public, des rendez-vous avec les autorités ministérielles et les institutions concernées par la langue française comme les délégués de l’OIF ou les Alliances françaises.
Je dois dire que les premiers contacts par mail m’enthousiasment ! Les africains se montrent très motivés, et prêts à s’investir dans le projet. Leurs remerciements pour l’initiative, leurs encouragements, me font chaud au cœur !
Quant à moi, des baobabs plein la tête, je suis très impatiente de mettre des visages sur leurs jolis noms : Djiibo, Abdou, Moussa, Daiba, Ndiaye, Mbaye, etc… !
Rallye des mots (2007-2009) - Scrabble® francophone
Le Rallye des mots : un bel exemple de solidarité francophone
Quand le mot « solidarité » se conjugue avec le mot « francophonie », il compte triple !
Savez-vous quel pays a remporté le plus d’épreuves lors des championnats du monde de Scrabble® francophone de Québec 2007 ? C’est le Sénégal ! C’est d’ailleurs à Dakar qu’ont eu lieu les championnats du monde 2008.
Voilà pourquoi la Fédération internationale de Scrabble® francophone (FISF) a mis en place, à partir de 2008, l’opération Rallye des mots, qui a démarré le 10 février de Cotonou et a, dans cette première édition, concerné 7 pays africains : Bénin, Cameroun, Togo, Burkina Faso, Mali, Guinée, Côte d’Ivoire et Sénégal.
Oui, les Africains font partie des peuples du monde les plus amoureux du français ! Sur ce continent, notre langue est synonyme de culture, de distinction sociale, et les lettrés s’efforcent d’en cultiver toutes les facettes et d’en maintenir l’influence, face à l’anglais bien sûr, mais aussi face à l’arabe. C’est ainsi que l’Afrique, avec 80 millions de francophones, 51 états et 34 pays où le français jouit du statut de langue officielle (ou co-officielle), permet au français d’être la deuxième langue au monde.
Il s’agit de fournir aux joueurs africains les moyens de pratiquer ce jeu qu’ils adorent et dans lequel ils excellent, sous la forme d’un loisir amateur ou d’une activité de compétition. En effet, le matériel de jeu, si commun pour nous (un simple sac de pions en plastique et une grille en carton !) est souvent inaccessible aux joueurs africains. Songez qu'un jeu de Scrabble® coûte, en Afrique, entre un tiers et la moitié du salaire moyen !
Les scrabbleurs africains sont surtout des jeunes qui trouvent, dans la pratique du Scrabble®, un moyen encore abordable de s’évader, dans des pays où les loisirs modernes leur sont si difficiles d’accès. Dans les villages, dans les écoles, les universités, on joue au Scrabble®, souvent en plein air, avec des jeux bricolés et improvisés, sous les yeux attentifs et envieux de spectateurs qui aimeraient bien pouvoir aussi participer. Pratiqué en compétition, le jeu est appréhendé comme un véritable sport qui transmet des valeurs fortes, tels l’esprit d’équipe, la valeur de l’entraînement, la reconnaissance de la différence, etc. L’équipe de scrabbleurs sénégalais est d’ailleurs reconnue et soutenue par son gouvernement comme une équipe sportive nationale.
Le Scrabble® représente, enfin, un outil puissant et ludique d’apprentissage de la langue française, et les possibilités pédagogiques que permet le Scrabble® scolaire sont immenses et largement démontrées dans de nombreux pays occidentaux. Les enseignants de français en Afrique, au niveau primaire comme secondaire, le savent bien, et sont très demandeurs de pouvoir créer chez eux, comme chez nous, des clubs scolaires dans lesquels les élèves apprennent, en s’amusant, à maîtriser l’orthographe, le calcul mental, les conjugaisons, et à enrichir leur vocabulaire.
À travers l’opération Rallye des mots, la FISF et ses quelque 20 000 licenciés dans le monde ont fourni aux joueurs africains les moyens d’exprimer pleinement leur talent en structurant des fédérations, en acheminant des jeux, des dictionnaires, du matériel informatique, un savoir-faire utile en matière d’organisation et d’arbitrage de tournois, ainsi que des outils pédagogiques nécessaires aux écoles. Les scrabbleurs occidentaux (français, mais aussi belges, suisses et québécois) se sont ainsi mobilisés dans une gigantesque collecte de matériel et de livres au profit de leurs amis africains, aidés de Larousse et de Mattel, partenaires naturels de la FISF.
Nadine Beraha-Maillol, scrabbleuse mais aussi globe-trotteuse, a conduit bénévolement la première édition de ce projet pour une tournée de trois mois, au cours de laquelle elle est allée au-devant des joueurs africains. Elle y a rencontré, avec eux, les autorités concernées par la Culture, la Jeunesse et les Sports, l’Éducation nationale et la Francophonie, et a participé à toutes sortes d’animations de promotion du Scrabble® à travers les pays concernés. Qui a dit que le Scrabble® était, par excellence, le jeu pépère de nos grands-mères ?
Une formidable chaîne de solidarité entre passionnés de la langue française, et l’exemple d’une action originale de coopération culturelle au sein des pays de la francophonie, unis par leur amour du jeu et de notre langue !