Articles du blog du Rallye des Mots.

Bamako, 20-21 avril

En général, je me fiche bien des dimanches ! Mais ce dimanche matin là, je l’ai apprécié à sa juste valeur : un moment de pause et de fraîcheur dans ma chambre climatisée. Un peu de temps pour moi, pour me limer les ongles, me laver correctement la tête, faire traîner le café du matin, ranger mes affaires dans mon immonde sac de voyage, et oublier Scrabble et scrabbleurs !

L’après-midi, les bamakois jouent en parties libres à la maison des jeunes et nous les rejoignons. Il faut les voir commenter les parties qui viennent de se dérouler en hurlant ! Le niveau sonore est incroyable ! Le type de réactions aussi est surprenant : aucune fausse modestie comme nous en connaissons si bien chez nous, une sorte de hargne pour aller à la victoire, et des spectateurs passionnés qui suivent cela comme un match de foot !

Petit exposé sur ce qu’est une démonstration dans une école, les objectifs poursuivis et les méthodes à adopter, sur l’animation des clubs scolaires et les exigences qu’ils imposent aux animateurs.

La journée s’achève sur une réunion du bureau, enfin d’une partie du bureau, puisque celui-ci est pléthorique. Il faut à nouveau insister sur la préparation des étapes suivantes : le voyage à Mopti, les rendez-vous non encore obtenus, la cérémonie de clôture de la semaine suivante. Il faut tout prévoir, le matériel, les itinéraires, les moyens de transport, sans quoi demain sera totalement improvisé. Tout se fait comme d’habitude à la toute dernière minute. A Mopti, par exemple le responsable de la ligue sera prévenu dimanche soir de notre arrivée mercredi. On lui demande de nous faire rencontrer les autorités. Bon, on verra bien !
 
La réunion est l’occasion de poser la question de la structure de la fédération malienne, et de faire comprendre qu’à une trentaine, il n’est pas possible d’être efficace. Les maliens semblent comprendre et accepter l’idée d’une refonte prochaine de leur organisation. Le travail déjà effectué à ce sujet au Togo et au Cameroun va permettre de les guider dans leur réflexion.

Lundi, dernier jour de cavalcade bamakoise torride, allant de rendez-vous en rendez-vous, et arrivant toujours légèrement en retard, ce qui a le don de me stresser malgré l’habitude que j’en ai désormais. Deux démonstrations dans des collèges le matin auprès d’enfants toujours aussi intéressés. Nous sommes très chaleureusement accueillis par les profs comme par les proviseurs. Puis, rencontre avec la correspondante nationale de l’OIF, ravie d’apprendre l’existence d’une fédération de Scrabble au Mali, puisqu’elle est elle-même une férue du jeu. Elle promet d’aider à son développement et je la crois sincère. Remerciements enfin au Ministère de la Jeunesse et des Sports qui nous a si bien hébergés et retour à l’hôtel, avec deux arrestations coup sur coup par la police ! Prince n’a pas tous ses papiers parfaitement en règle (procuration non certifiée conforme par les autorités béninoises), ce qui chaque fois nous met en position de faiblesse, surtout quand on a fait demi-tour en coupant une ligne continue ! Mais, bon, palabres et « parlementations », additionnés d’un billet de 2000 CFA, et nous parvenons à repartir !

Les articles de ce blog sont de plus en plus courts, c’est vrai. C’est qu’en fin de soirée, je n’ai maintenant plus le courage de rien. Lundi prochain à la même heure je serai chez moi.

Bamako, 26-27 avril

C’est à 6 heures du matin que je dois quitter mes amis, Modeste, Prince et Olivier. Toute la nuit déjà, sur ce toit et sous les étoiles, j’ai pensé à eux, à l’amitié que je leur porte et à la séparation du lendemain. J’ai le cœur très gros de les quitter, eux qui m’ont accompagnée quasiment nuit et jour pendant presque trois mois, qui ont pris soin de moi, m’ont assistée dans tous mes besoins aussi bien personnels que pour le travail. Je me suis beaucoup attachée à chacun d’eux que j’ai appris à connaître. Je les considère maintenant un peu comme mes grands fils. Je suis triste et après des bises furtives à Modeste et Prince qui dorment encore au moment du départ, je m’écroule en larmes dans les bras d’Olivier.

Le voyage en bus a été un véritable enfer, que je ne souhaite à personne, pas même à mon pire ennemi. De départ à 7 heures, il n’y aura pas ! De climatisation, il n’y aura pas ! De parcours direct, il n’y aura pas ! Le voyage durera 10 heures exactement, et le thermomètre du tableau de bord (qui d’ailleurs n’a qu’un thermomètre, puisque même le compteur de vitesse ne fonctionne pas !) affiche au milieu du trajet 45° à l’intérieur du véhicule ! De la musique guinéenne nous accompagne d’abord, ce qui n’est pas désagréable. Dialo est une compagnie que j’apprécie. Il me parle de son terrible pays, dans une situation désespérée et désespérante. Nous faisons une partie de DupliTop 5.  Mais avec le changement de chauffeur à mi-parcours, l’épuisement commence à me gagner et, après un arrêt destiné à la prière, nous aurons droit à une lecture de Coran et à un prêche enregistré sur cassette pendant environ trois heures ! Infernal…Le bus, soudain, s’arrête sur le bas-côté de la route ! Une panne ! Encore une ! Heureusement, elle ne nous immobilisera que quelques instants, le temps sous un acacia si maigre qu’il ne donne quasiment pas d’ombre, de patienter et de comprendre le fatalisme dans lequel vivent les africains. Nous repartons.

Dans l’après-midi je ne parviens plus à respirer correctement. Dialo comprend que je me sens mal, et me procure un sac d’eau fraîche dont je m’arrose pour retrouver mes esprits. Le bus s’arrête tout le temps pour prendre qui lui fait signe sur la route ou lui demande d’en descendre. A chaque arrêt, une nuée hurlante de vendeurs à la sauvette, nous harcèle. Je n’ai le temps que de tirer une ou deux bouffées sur ma cigarette, et il faut déjà repartir. Et le temps passe, et nous rapproche inexorablement de l’heure fatidique à laquelle nous attend le Ministre pour la cérémonie.

Les copains ont réussi à réparer la voiture de Prince et ont quitté Mopti pour Bamako ! Moi qui pleurais tant ce matin de les avoir quittés, voilà qu’il va falloir que je pleure à nouveau demain en les quittant pour la deuxième fois. Je ne comprends pas très bien cette décision de retour sur Bamako, alors que Mopti les rapprochait de Cotonou, mais bon. Peut-être vont-ils réussir à doubler le bus sur la route, auquel cas je pourrais retrouver ma place climatisée aux côtés de mon Prince ? L’espoir sera vain tout l’après-midi. Ils arriveront quasiment en même temps que le bus sans jamais réussir à nous doubler !

Je crois vivre un cauchemar qui est chez moi très récurrent. Je rêve sans cesse que je suis attendue par un public pour une intervention et que, soit je n’ai pas mes documents pour la faire, soit je ne réussis pas à me rendre jusque là. Aujourd’hui ce cauchemar est en train de se réaliser ! Dialo et moi ne cessons de consulter la carte pour identifier notre position, car sur les routes maliennes il n’y a pas de bornes indicatives. Nous calculons et recalculons l’heure à laquelle nous allons arriver et ce calcul nous amène à constater que nous serons inexorablement en retard.

C’est dans cette angoisse que je reçois un message du président de la fédération malienne à qui j’ai refusé la veille de prendre un bus de nuit : « votre absence sera fortement remarquée par les ministres et les ambassadeurs que l’on ne pourra pas faire attendre » ! Pour qui se prend-il celui-là, pour mon patron ? Qu’est-ce que c’est que ce message, un avertissement d’un hiérarchique ? Qui a fixé la cérémonie à 17 heures ? Etais-je censée il y a 10 jours, lorsque j’ai approuvé le programme,  savoir combien de temps il faut pour revenir de Mopti ? Mon « absence » supposée a-t-elle été évoquée à un moment quelconque ? Suis-je en train de traînasser quelque part à m’occuper de mes affaires personnelles au lieu d’honorer les rendez-vous que j’ai moi-même demandés pour cette cérémonie ? Le retard est-il devenu soudain inacceptable parce qu’il émane de ma part, alors que je passe ma vie depuis trois mois à attendre les autres ? Ce Monsieur n’était-il pas lui-même absent lors des trois premiers jours du Rallye, sous prétexte qu’il avait des choses personnelles à faire plus importantes que d’accueillir cet évènement ? Le message me reste vraiment en travers de la gorge.

Je pourrais dire que cette étape malienne aura été réussie du point de vue opérationnel, puisque la totalité ou presque du programme que nous avons fixé a été honorée : tournoi en duplicate, formation des enseignants, rencontres ministérielles, et maintenant cérémonie de clôture médiatisée. Mais du point de vue des relations humaines, cela aura été l’étape la plus décevante. Le Secrétaire Général, Massa, qui était mon seul interlocuteur pour la préparation du Rallye, a été la seule personne à se mobiliser vraiment et à avoir un comportement correct. De la part des autres scrabbleurs, et en particulier de plusieurs membres du bureau, président compris, je n’aurais ressenti que de la désinvolture, un manque d’humilité, de l’amateurisme, une absence de solidarité, de l’ingratitude aussi pour le travail effectué. Il y a un sacré boulot à réaliser au Mali pour construire une fédération sportive digne de ce nom ! « Sportive » ? C'est-à-dire amicale, dévouée, solidaire, reconnaissante et fair play. En tous les cas, c’est ma conception.

J’arrive à la cérémonie qui a déjà commencé depuis une demi-heure en présence du Ministre, de la représentante de l’OIF, du Directeur de cabinet du Ministère de l’enseignement et de la Présidente d’honneur, des médias, extrêmement sale, en sueur, hagarde, respirant à peine et en courant. L’assemblée composée de plus de 100 personnes, m’accueille et me donne immédiatement la parole, si bien que je n’ai même pas le temps d’allumer mon ordinateur où j’ai consigné les notes de mon discours. Je m’en sors. Je ne sais pas comment. Sous les flashs des photographes et l’œil des caméras, je parle avec le plus de conviction possible des acquis du Rallye, de la belle expérience humaine que je viens de vivre, et du chemin qui reste à parcourir à la fédération malienne si elle veut être représentée au plan international. Je serre la main du ministre de la Jeunesse et des Sports à qui j’indique que, s’il devient un jour ministre des transports maliens, j’ai quelques suggestions à lui faire !

Je suis ce soir là, à la veille de mon départ, au bout du rouleau. La peine que j’ai à quitter mes amis, l’épreuve du voyage, la cérémonie sur les chapeaux de roue, ont mis mes nerfs à bout. Je craque littéralement. Inutile de s’étaler…

Aujourd’hui, à l’heure où j’écris, à quelques heures de prendre mon avion pour Paris, je reçois un mail d’excuses du Président de la fédération malienne, qui s’émeut tout de même des trois mois que j’ai consacrés à ce travail et m’en remercie. J’ai à nouveau embrassé en pleurant Prince, Modeste et Olivier qui sont repartis ce matin. Je rattrape le retard de ce blog. Je vais effectuer mon compte rendu de synthèse sur le Rallye au Mali pour la FISF. Je me calme.  Il me reste alors à boucler mes bagages et à espérer dormir le plus possible lors des 10 heures de voyage de nuit qui m’attendent avant d’atterrir à Paris.

FIN

Bamako, 18-19 avril

Les deux journées qui viennent de se passer ont été terribles ! Deux jours de travail intensif, toujours sous la même canicule. Un planning d’enfer où l’on pourrait croire que les colonisés maliens ont enfin pris leur revanche sur les colonisateurs ! (Je plaisante, bien sûr !).

Nous avons rendez-vous le vendredi avec le Ministre de la Culture. Il ne nous recevra pas en personne, mais nous parvenons tout de même à rencontrer le directeur de cabinet. Décidemment, c’est au Mali qu’il aura été le plus facile d’avoir des rendez-vous à haut niveau, et c’est là aussi où nos interlocuteurs officiels se seront montrés les plus ouverts à notre activité. La Femas a une chance inouïe dont je ne suis pas sûre qu’elle se rende compte !

Il est demandé à la fédération malienne de faire preuve de son sérieux et de présenter un plan d’action concret pour sa demande de partenariat. Il a bien raison ce Monsieur ! Souvent, les rencontres avec les officiels s’effectuent trop les mains dans les poches. Je n’ai vu personne en Afrique présenter la moindre carte de visite, le moindre budget. Le papier à en tête est rare. Il faut à chaque fois que je m’assure qu’on a bien les documents nécessaires, et préparer un texte résumant par écrit notre demande de partenariat. Plus ces demandes sont vagues, plus elles tombent dans l’oubli. Puis il faut s’acharner à les relancer. Rappeler sans cesse. Ne pas se décourager des promesses non tenues de rappel. Persévérer. C’est difficile, mais c’est la condition sine qua non. Les maliens sont pour leur part dans une situation privilégiée dans l’accueil que les ministères leur réservent.

Vite, vite ! Il est 11 heures, et s’annoncent les moments les plus chauds de la journée où il faut aller faire la formation à l’animation scolaire ! A mon grand étonnement, une dizaine d’écoles sont représentées dans la salle, chacune ayant envoyé un ou deux professeurs de français. C’est la première fois que je vois un tel auditoire en formation dans notre Rallye des mots. Je n’ai malheureusement que trois heures à leur consacrer, juste le temps d’effectuer une sensibilisation à l’usage du Scrabble dans l’apprentissage du français. Les profs suivent avec beaucoup d’attention. Ils participent. Je sens que ma démonstration leur est utile et qu’ils adhèrent à mon plaidoyer pour notre discipline. Là encore, bravo à la fédération malienne et aux profs maliens d’avoir réussi une telle mobilisation.


Le problème, c’est qu’avec 10 écoles ainsi sensibilisées, il va falloir être capables derrière d’animer les clubs scolaires correspondants. Très peu de scrabbleurs maliens sont présents durant la formation, et je comprends, après coup, que Massa et sans doute les autres, croient que ce sont ces professeurs qui vont animer les clubs scolaires ! Ce serait trop facile ! Les participants à la formation vont se servir de notre jeu pour leurs cours de vocabulaire, de grammaire, de calcul mental, mais ne sont pas des scrabbleurs. Certains ignorent tout de notre jeu. Lorsque des élèves souhaiteront jouer en dehors des heures de cours, ce sera bien aux joueurs de la Femas de les encadrer et de les animer.

De mon point de vue, si l’on n’a pas la force bénévole nécessaire pour animer 10 clubs scolaires, mieux vaut ne pas commencer dans certaines écoles. Un club scolaire ne peut vivre qu’avec un animateur dévoué, bénévole, disponible et très sérieux sur le respect des horaires et la grande régularité de fonctionnement de son club. Dans le cas contraire, il va vite s’étioler, et la chance qui nous est donnée une fois ne sera pas renouvelée.

Or, des bénévoles au Mali, il y en a particulièrement peu ! Le bureau de la fédération malienne comporte 35 personnes, dans un organigramme en râteau ! Pire que celui d’un parti politique ! Mais lorsqu’il est question de mettre la main à la pâte, on ne voit pas grand monde. On assiste aussi à de nombreuses disputes entre les scrabbleurs qui se critiquent mutuellement avec une certaine véhémence, rejettent la responsabilité sur le voisin avec une grande facilité. L’ambiance n’est pas très bonne et ce n’est pas très agréable. Il va falloir sérieusement travailler avec eux la question de la structure, des responsabilités, si l’on veut s’assurer que la fédération soit en mesure de capitaliser sur le Rallye des mots.

Non, non, ma journée du vendredi n’est pas terminée ! Il faut encore aller faire une démonstration dans une école militaire. Le Président et le Secrétaire général sont là, mais vont-ils eux-mêmes intervenir dans les écoles en question pour animer des clubs scolaires ? J’en doute fort. J’exige donc que le lundi suivant, journée entièrement consacrée à ces démonstrations, je sois accompagnée par des animateurs scolaires potentiels. Sinon, mon travail ne sert à rien ! Je ne suis pas là pour faire à la place des autres, mais pour les former, les motiver à initier quelque chose dont je ne peux moi-même assurer le suivi.

Ces gamins du Prytanée de Kori me font de la peine ! Certains n’ont pas plus de 11 ans et sont déjà habillés de pied en cap en petit soldat. Leur école est belle cependant et sûrement mieux équipée que les collèges ordinaires. Je n’entendrai pas le son de leur voix durant toute la séance. Ils ont appris à se taire et à ne se manifester qu’en levant le doigt. L’absolu contraire de ce que préconisent les méthodes psychopédagogiques de nos pays. Le soldat qui les encadre a je ne sais quel rang militaire. En fin de séance il prendra la parole pour annoncer la structure du club qui va se mettre en place. Et nous voilà reparti dans les organigrammes pléthoriques ! Un secrétaire général, un trésorier, un commissaire aux comptes, un responsable des relations extérieures, et même un pitchoun au poste de gestionnaire des conflits ! Tout cela me donne vraiment envie de rire et me paraît d’un ridicule achevé. Je n’ai toujours pas élucidé si cela émane des gens de la Femas ou du proviseur du lycée.


Je ne peux pas décrire la fatigue qui est la mienne en fin de soirée. Se déplacer, parler à voix haute, animer, par une telle chaleur est inhumain ! Mais, cesse donc de te plaindre, me diront certains !

Aujourd’hui samedi, la journée est consacrée à un tournoi duplicate. Il s’agit d’évaluer le niveau des joueurs maliens qui pratiquent peu cette formule. Ils sont une trentaine de compétiteurs. Je fais durer le plus longtemps possible la petite cérémonie d’ouverture qui est couverte par les médias, pour nous donner le temps de recevoir la papeterie nécessaire à l’épreuve. Je fulmine. J’ai demandé les photocopies des feuilles de route et des bulletins il y a deux jours et nous n’avons rien. La première partie commencera avec presque deux heures de retard. Pendant ce temps aucun membre du bureau de la Femas ne prendra la parole. Ils sont assis dans la salle et attendent eux aussi que la partie commence ! J’éprouve dans ces conditions le sentiment d’être utilisée comme une marionnette !


Je me réjouis à mon arrivée dans la salle de voir une grande quantité de jeunes filles, croyant qu’elles allaient jouer. Pas du tout ! Je me rends vite compte qu’elles sont là pour faire le ramassage, et celles qui voudront jouer ne le  pourront pas ! Olivier, Modeste, Prince, Dialo notre ami guinéen, et moi assurons la mise en place. Les joueurs maliens nous regardent ou demandent aux filles qui sont là de faire le boulot de transporter les tables, d’aller chercher les chaises, etc. C’est normal, me dit-on, au Mali ! C’est notre culture ! Et bien peut-être Messieurs, mais ce tournoi est organisé par la fédération internationale et par moi-même, et ni moi ni les 25 pays qui sont représentés par cette fédération ne pouvons accepter cela. Le machisme est affirmé ici avec arrogance et sans complexes. Le monde a évolué Messieurs les maliens, et si vous ne vous mettez pas à l’heure d’un monde où les femmes sont reconnues partout comme la moitié du ciel (Mao Tse Dong), vous resterez dans votre culture archaïque qui vous isolera de tout !

Idem au moment de nettoyer la salle, jonchée d’ordures et de papiers. Les filles vont le faire ! Et puis, quelqu’un est payé pour la maintenance de la salle. Peut-être, mais moi j’ai honte de laisser une salle dans un état pareil lors d’une animation dont je suis responsable. Et l’image de la Femas, quelqu’un s’en occupe ? Avec 35 responsables il doit bien il y avoir quelqu’un dont c’est le boulot, non ?

Ce tournoi que je gagne, car au royaume des aveugles les borgnes sont rois, m’a beaucoup agacée. Indiscipline. Non-écoute des consignes (au bout du 15ème coup une table n’a toujours pas numéroté ses bulletins alors que cela a été demandé 10 fois). Commentaires entre les coups. Arrogance parfois, avec une non-acceptation des conseils que je m’efforce de donner pour que le tournoi se passe de façon acceptable. Les médiocres résultats, puisque moins de 10 joueurs sont au-dessus de 80%, montrent bien que les maliens ont beaucoup de progrès à faire s’ils veulent un jour participer aux championnats du monde. D’ailleurs, l’inorganisation d’aujourd’hui explique peut-être pourquoi les joueurs de la Femas ne participent jamais aux simultanés panafricains.

C’est qu’ici en Afrique, on fait souvent semblant ! Semblant d’avoir un hôtel de luxe dont la piscine est si trouble qu’il est très dangereux de s’y baigner, dont le restaurant ne dispose de rien de ce qui est sur la carte, pas même d’une bouteille de vin. Semblant de jouer au duplicate sans doute, sans respect des règles élémentaires. Semblant d’être des champions aussi, en ne se mesurant qu’à ses collègues immédiats. L’apparence prévaut bien souvent sur le reste, et il existe le souci de faire avant celui de bien faire, et de s’en donner les moyens. Moi, pour ma part, je préfère faire peu, mais bien. Question de culture là encore, me dira-t-on ! Et, inlassablement, je répondrai : oui, mais cela ne fait que vous défavoriser, ne vous permet pas d’émerger comme vous le pourriez, vous handicape sans arrêt. Alors, ne faudrait-il pas accepter le changement ?

Je suis une donneuse de leçons ?  C’est vrai ! Si vous n’en voulez pas, ne me demandez pas de venir vers vous. Je viens bénévolement et ne demande rien en échange de ce que je donne. Chers amis africains, profitez en si vous le voulez, ou renvoyez moi chez moi !

D’ailleurs, chez moi, je commence à y penser de plus en plus. Une tournée de trois mois me paraît désormais trop longue. Je m’y épuise. Je sens bien que mon seuil de tolérance a baissé, que mon engagement est en train de trouver ses limites, et qu’il est temps de rentrer et de faire une pause.

Mopti, 24-25 avril

J’écris ce soir de retour à Mopti, aux sons mêlés de chèvres qui bêlent et du muezzin du quartier qui appelle à la prière du vendredi,  ceci après deux jours incroyables passés dans le pays dogon ! Quelques enfants, sans doute tout proches, chantonnent. Au loin, le son un peu étouffé d’une musique de fête. Encore quelques pétarades de motos. Chouette bande sonore, que j’aurais aimé enregistrer !

Les deux jours passés dans ce magnifique pays dogon ont été enchanteurs, et nous ont fait (presque) oublier tous nos soucis. Nous avons réussi à convaincre Prince de laisser momentanément tomber les problèmes de voiture pour venir avec nous. Il sera temps à notre retour de s’en préoccuper. La voiture ne craint rien, puisqu’elle est sous la bonne garde du chef de village.

Je ne vais pas me lancer dans le descriptif du pays dogon, au risque de très mal concurrencer les guides de voyage ou les bouquins très spécialisés sur la question. Je me contenterai de dire ici que ce peuple a fui au 9ème siècle l’islam qu’on tentait de leur imposer sur leur terre d’origine, le pays mandingue, près de Bamako. Ils sont partis à 8, et on leur a dit « Do gon », ce qui veut dire « bon voyage ». D’étapes en étapes, ces 8 rebelles sont parvenus jusqu’à la falaise de Bandiagara, longue de 80 kilomètres et haute d’environ 200 mètres de rochers rougeoyants, qui domine une plaine immense au milieu de laquelle s’étale une grande dune dorée, frontière entre le Mali et le Burkina Faso. Là, ils sont parvenus sur les terres d’un peuple troglodyte, les tellems, qui avaient construit leurs habitations à l’intérieur même de la roche et à différents niveaux de la falaise, pour se protéger des animaux sauvages de la forêt qui couvrait la plaine. Ces tellems accédaient à leurs incroyables logements superposés à l’aide de cordes tressées avec de l’écorce de bambou. De véritables acrobates ! Les dogons ont fini par éliminer les tellems, si j’ai bien compris, en détruisant toutes les forêts qui couvraient la région, de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus vivre de la chasse et de la cueillette. Désormais, le peuple dogon vit sur, dans et sous la fameuse falaise, et a prospéré.

Ce peuple animiste a su conserver une culture ancestrale très spécifique : 121 langues ou dialectes, méconnaissance de l’écriture, langue secrète pour les initiés, croyance en la cosmogonie, cérémonies et règles spécifiques à chaque village, etc. Ils ont vécu presque isolés du monde pendant des siècles, avant que le tourisme ne les découvre récemment et leur amène des visiteurs. Bien sûr, en deux jours, on ne peut pas vraiment approcher tout cela. Il faut se contenter de constater l’existence de ce peuple et de ressentir l’atmosphère dans laquelle il vit.

Une atmosphère quasiment lunaire de roches entre lesquelles ne poussent que quelques herbes sèches et des baobabs, énormes, monstrueux. Les cours d’eau sont en ce moment à sec, ce qui ajoute encore à l’aspect désolé du lieu. On parvient au sommet de la falaise sur un plateau, grâce à une piste très défoncée mais néanmoins praticable avec un bon 4X4. J’en ai loué un pour deux jours. Au sommet de la falaise, le panorama sur la plaine et la dune qui la traverse est époustouflant. Il se trouve aussi que nous avons eu beaucoup de chance puisque nous avons pu assister au marché qui n’a lieu que tous les 5 jours,  durée de la semaine des dogons, qui décidemment ne font rien comme les autres ! Fourmillement sous un écrasant soleil de gens en vêtements traditionnels peuhls ou dogons, assis par terre, vendant une incroyable quantité de denrées que nous méconnaissons pour la plupart, en quantité souvent infime. C’est étourdissant de couleurs, de monde et de chaleur. Magnifique à contempler d’en haut. En soirée, des funérailles sont organisées dans un village proche. Je ne comprends pas très bien ni qui est mort, ni quand, mais cela n’a pas d’importance.

Au sommet d’un plateau rocheux, une masse de gens en vêtements dogons se regroupe sur une sorte de place. La cérémonie qui va durer toute la nuit et sera fortement arrosée de bière de mil,  débute par une danse aux sons des coups de fusil à poudre, destinée à chasser d’abord les mauvais esprits avant que la fête ait lieu. Les hommes armés de ces fusils ou de machettes, de haches, de lances,  simulent l’un le chasseur l’autre le chassé en dansant, et les coups de fusil sont assourdissants. La fumée et l’odeur de la poudre commencent à se répandre dans l’air. Des chants syncopés accompagnent la danse qu’observent plusieurs centaines de spectateurs, femmes et bébés compris. Je suis la seule à sursauter au bruit des coups de feu, ce qui amuse les dogons! Un vieux fou vient s’adresser à nous, et malgré l’interdiction qui nous est donnée de prendre des photos (sans payer, bien sûr !), notre présence est bien acceptée et ne suscite aucune hostilité.

Puis soudain, le ciel s’obscurcit et rougeoie. Le vent se lève en coup violents qui transportent le sable de la dune toute proche. L’atmosphère devient alors incroyable, titanesque ! Tout est si étrange, la lumière, les sons ! Nous devons fermer les yeux et cacher nos visages à chaque rafale. La nuit est en train de tomber, et c’est ainsi que nous effectuons à pied la descente du plateau, prudemment de roche en roche, jusqu’au 4X4 qui nous attend un peu plus bas.

Ces dogons semblent avoir réussi ce que peu de peuples ancestraux sont parvenus à faire : conserver intacte leur culture et y intégrer intelligemment le tourisme. Nous avons dû prendre un guide qui nous a accompagnés partout et a joué un rôle de laisser-passer, contre une somme qui revient en partie à la collectivité. Dans les villages traversés à pied le lendemain, le guide distribue au chef de village des noix de cola et quelques pièces, contre lesquelles nous circulons librement.

Les maisons sont ici caractéristiques : ce sont des parallélépipèdes en banco garnis d’une minuscule lucarne, et qui ressemblent plus à des bunkers qu’à des maisons. Chacune est ceinte de ses greniers. Les greniers mâles contiennent les céréales et appartiennent au chef de famille. Chaque épouse (en général 3), possède son  grenier femelle dans lequel elle enferme ses vêtements, ses bijoux, ses secrets de femme, les poisons qu’elle destine à ses rivales, etc. Chez les familles les plus aisées, les greniers femelles sont fermés par des portes sculptées toutes identiques, qui racontent une incroyable histoire avec la représentation des 8 ancêtres, des animaux de l’ancienne forêt, de femme stérile s’adressant à un devin, etc.  La porte se ferme à l’aide d’une clef, et chaque femme possède la sienne. L’histoire racontée qui nous est relatée par notre guide me séduit, et je ne résiste pas à acheter après d’âpres négociations, une copie d’une de ces portes, à un vieux dogon qui nous la propose au milieu d’un village.

Nous dormons dans un gîte appelé « le gite de la femme dogon », lieu très sympa où la cuisine est bonne, et où nous choisissons de dormir à la belle étoile sur la terrasse. Un moment de grâce pour moi que celui de m’endormir sous le ciel étoilé. Il y a du vent, mais je n’aurais pas froid. Mes compagnons africains frileux souffriront plus que moi.

Nous décidons de quitter le pays dogon dès le début de l’après-midi du deuxième jour, car nous sommes préoccupés. Demain à 17 heures a lieu à Bamako la cérémonie de clôture du Rallye, en présence du ministre de la Jeunesse et des sports et de représentants officiels de toutes les institutions que nous avons rencontrées. Pas question d’y être en retard. Or, la distance de Mopti à Bamako est immense (640 km), sur une route que nous devrons Dialo et moi faire en bus, sans cesse traversée par des animaux, et où les dos-d’âne incessants ralentissent considérablement le voyage. La voiture de Prince est toujours immobilisée sans solution à 80 km de Mopti. Il faut à nouveau trouver un mécanicien (le sixième si mes comptes sont bons !), la ramener jusqu’à Mopti à un vrai garage où elle pourrait (In Challah !) être correctement réparée, de façon à ce qu’elle puisse parcourir les 2500 km qui l’attendent encore pour regagner Cotonou. Nous choisissons donc de nous servir du 4X4 pour faire ce travail avant la nuit. Je reste seule à Mopti pendant ce temps.

Profitant de ces quelques heures, je pars à la recherche d’un marché artisanal décrit comme le plus intéressant de tout le Mali, et prends dans ce but un taxi. Le taxi me laisse en plein souk, et personne ne connaît apparemment le marché en question. A travers le dédale des ruelles grouillantes de monde et de marchandises, je me fraie difficilement un chemin dans la canicule de l’après-midi. Finalement, après avoir suivi un homme qui se propose de m’accompagner, je parviens au marché où toutes les boutiques sont fermées : c’est vendredi ! La région de Mopti est effectivement très musulmane, et l’islam a même fini par rattraper les dogons, convertis très souvent à cette religion, qu’ils avaient pourtant fuie au 9ème siècle !

Le taxi de retour ne peut pas me ramener jusqu’à l’hôtel. C’est un taxi collectif qui n’a pas le droit de quitter le « grand goudron ». Or, pour accéder à l’hôtel il faut passer aussi par le « petit goudron » ! Bien. Je ferai donc ce petit bout de chemin à pied. Le parcours traverse un terrain vague attenant à un grand stade. Là, un gamin d’une dizaine d’années, m’insulte, me bouscule, me donne des coups de poing, sous le regard d’abord amusé de ses copains. J’ai peur bien sûr, car je ne fais pas le poids face à une bande de garçons, même de tout petits garçons ! Je me défends et je hurle si bien que les enfants spectateurs prennent peur, et maîtrisent mon agresseur.

De retour à l’hôtel il me reste à attendre Dialo, Prince, Modeste et Olivier, dont je suis impatiente de savoir ce qu’ils ont bien pu faire avec le véhicule. Ils reviennent finalement avec, ayant trouvé le sixième mécanicien miracle ! Ouf ! Nous passerons encore la nuit sur le toit de la terrasse de l’hôtel. Nos moyens ne nous permettent plus de prendre des chambres climatisées, et les ventilateurs se contentant de brasser un air très chaud, ne servent plus à grand-chose.

Demain, départ à 6 heures du matin avec Dialo pour Bamako, en bus, car le reste de la bande doit trouver des pièces originales permettant de réparer la voiture correctement. Seul le bus nous permet d’espérer être à Bamako à temps pour la cérémonie. Le président, fort inquiet, m’appelle vers 18h30, pour me demander de prendre un bus de nuit. Je refuse. D’abord il est trop tard pour cela. Ensuite, je ne me sens pas de passer la nuit dans un bus. Enfin, s’ils craignaient que nous ne puissions être à l’heure, les Bamakois n’avaient qu’à placer la cérémonie une heure plus tard !

Notre interlocuteur de l’agence de voyage nous a réservé des places dans ce qu’il dit être le meilleur bus de la région, climatisé, aussi direct que possible et partant à la première heure. OK. Tout semble arrangé.

Bamako, 15-17 avril

Voilà un article sur trois jours ! Une fois n’est pas coutume.

La journée du 15 a été consacrée au trajet de Bobo à Bamako, 480 kilomètres qui nous ont pris presque 10 heures, avec tout de même un arrêt touristique à Koumi, petit village animiste burkinabé sur la route. Koumi est à la fois mignon et répugnant. Les maisons de banco sont pour la plupart en ruines, mais situées sur une rivière, si bien qu’entre elles, poussent anarchiquement de beaux arbres verts qui créent de très jolis paysages, en contraste avec le rouge foncé de la terre,. Photographier les gens est impossible. Ils craignent qu’on leur prenne leur âme, âmes qu’ils sont tout de même prêts à vendre pour quelques francs CFA, que je ne propose pas bien sûr ! Je ne suis pas Lucifer tout de même !


La route est très longue, mais peu encombrée. Les dangers étant présents à chaque instant, à cause des cyclistes, des nids-de-poule, des animaux qui stationnent sur la voie, la voiture de Prince étant suspecte d’une nouvelle panne, il n’est pas question de foncer. Ce jour-là, la chaleur aura dépassé tout ce que je peux imaginer, puisqu’il fait 46° à Bamako ! Nous roulons très heureusement toutes vitres fermées, et je cherche à me placer très exactement sous les aérateurs du véhicule qui diffusent de l’air frais.

Les paysages ne changent guère. Toujours la même savane plus ou moins arborée selon les kilomètres, les mêmes hameaux sans électricité, les mêmes vendeuses de mangues qui tentent d’écouler les fruits de la saison. Nous ne nous arrêtons pas, nous contentant de cacahouètes et de pralines que nous ont offertes les burkinabés. Le passage de la frontière est pénible. Il faut s’arrêter à des postes où de soi-disant douaniers dorment plus ou moins à l’abri d’une paillote, aller vers eux, les réveiller, et présenter des papiers d’une part pour le véhicule, d’autre part pour les personnes, et ceci à deux reprises, pour la sortie d’abord et pour l’entrée ensuite. A chaque fois, on nous demande l’achat d’un  laisser-passer de 5000 CFA, demande abusive et non règlementaire à laquelle on ne peut pas se soustraire si on espère passer. Prince croit bien faire en arguant de notre Rallye des Mots qui amène gratuitement du matériel au Mali ! Résultat, le douanier réclame des ODS 5 ! Je préfère vraiment payer avec le mal que nous avons eu pour les obtenir !

C’est ainsi, c’est ainsi partout. Les Guinéens qui sont venus jusqu’à Bamako ont souffert le martyre avec leur frontière, y compris pour sortir de leur propre pays, et ont dû à chaque fois aussi mettre la main à la poche.

A l’arrivée à Bamako il fait déjà nuit. Nous retrouvons Massa, mon contact malien et Mohamed qui l’accompagne. Notre hébergement est vraiment grandiose ! Un hôtel trois étoiles magnifique, situé sur un des points culminants des collines de la ville, avec clim, piscine, wifi, à l’architecture grecque qui me fait penser à ce que l’on trouve à Las Vegas ! Il est prévu que nous puissions y manger gratuitement, tout cela aux frais du Ministère de la Jeunesse et des Sports pour les 6 personnes que nous sommes : 3 béninois, 2 guinéens et moi. Le grand luxe. Bravo à la fédération malienne qui est encore toute jeune pour avoir réussi un tel partenariat avec ce ministère. Bien d’autres pays devraient s’en inspirer !

Comme à chaque fois, à l’arrivée dans un nouveau pays, il faut étudier le planning qu’on m’a concocté. Massa semble avoir beaucoup bossé pour préparer le Rallye. Il est tendu à mon arrivée. Comme chaque fois, le planning prévu me « sucre » mes périodes de tourisme au profit du travail sur le Rallye, ne tient pas trop compte du kilométrage et de la nécessité de le réduire. Je m’efforce de demander quelques aménagements, notamment sur les visites en provinces lointaines qui ne me paraissent pas indispensables. Il nous faudrait par exemple refaire en sens inverse la route que nous venons d’effectuer ! Pas question !

La journée du mercredi est bien occupée. Nous n’avons guère le temps de flâner ou de récupérer du voyage. C’est d’abord une rencontre avec le Directeur de cabinet de l’enseignement secondaire et supérieur, très intéressé par notre activité, et qui a l’intention de mettre en place un partenariat avec la fédération malienne. Il est extrêmement facile de convaincre tous les interlocuteurs, y compris à très haut niveau, à partir du moment où on a réussi à rentrer en contact avec eux et à les rencontrer. Bien sûr, cela est un parcours du combattant, mais au bout duquel il y a toujours un accueil très favorable et des possibilités de développement. Effectuant ce travail ici, je me demande si nous avons nous-mêmes eu la ténacité nécessaire pour le faire dans nos propres pays. Comment comprendre que les arguments qui convainquent tout le monde ici, n’aient aucun poids chez nous ? Quand ont été vus pour la dernière fois les Ministres de l’enseignement, de la Culture par exemple ? Avec quelle persévérance a-t-on entretenu des contacts avec eux ?

Puis, c’est l’habituelle demi-journée à parcourir la ville pour obtenir de l’argent liquide ! Un véritable casse-tête avec le peu de banques qui ont des distributeurs, l’impossibilité de se servir de son carnet de chèques, et surtout les montants plafonnés extrêmement bas que les automates délivrent. En jonglant avec une grande quantité de banques et plusieurs cartes, je parviens sous nos 40° et plus (à partir d’un certain stade on ne compte plus de toute façon puisqu’il est impossible de rester dehors !), à obtenir l’argent nécessaire aux modifications de mon billet d’avion et à la location d’un 4X4 pour les deux jours que nous nous accordons dans le pays dogon en fin de semaine prochaine. J’offre cette balade à mes amis béninois pour les remercier de leur accompagnement sans faille depuis deux mois et demi.

La visite des clubs de Scrabble prévue en soirée sera annulée pour cause de pluie diluvienne et bienvenue, qui va peut être permettre de rafraîchir un peu l’atmosphère. Car, ici, comme presque partout, on joue dehors, dans les cours de maison en particulier.

Massa ne me paraît guère se préoccuper de l’arrivée du matériel ce soir. Le questionnant à ce sujet, je comprends qu’il croit qu’Olivier arrive avec son propre camion, et qu’il suffira de le garer quelque part dans la ville, pour que le problème soit réglé ! Non, Massa, si tu lisais le blog, tu saurais qu’Olivier est en transport en commun et que, si vous ne l’accueillez pas à l’arrivée du bus, il va se retrouver avec ses 50 cartons, soit deux mètres cubes de volume et 800 kilos, sur les trottoirs de Bamako et sous la pluie ! Aïe, aïe, aïe ! Pourvu qu’ici aussi je n’ai pas à me battre contre l’anticipation zéro !

A la nuit, alors que je dors à moitié, Olivier signale son arrivée à Bamako avec les marchandises ! Une véritable victoire ! Palabres sur le trottoir avec les maliens pour savoir ce que l’on fait de tout ce fourbi. Il n’y a pas de lieu prévu pour le stockage. Massa est inquiet de voir ses collègues maliens s’emparer des cartons et partir dans la ville en taxis pour les mettre dans des maisons. Bon, on verra ça demain ! Les guinéens me font savoir qu’ils sont à l’hôtel aussi, après deux jours de voyage. Tout (ou presque) est donc en place pour ce dernier round !

Aujourd’hui, jeudi, après une visite au conseiller culturel de l’ambassade de France qui supporte le Rallye financièrement (enfin, qui le supportera, pour acheter des t-shirts inutiles, le jour où la subvention arrivera effectivement !), une rencontre avec une ancienne ministre présidente d’honneur de la fédération malienne, notre après-midi est libre. Je vais en profiter largement avant la réunion de ce soir pour me reposer car j’en ai besoin, rattraper le retard de ce blog, faire mes comptes financiers, et préparer la formation à l’animation scolaire de demain. Je n’ai pas envie de me balader dans Bamako, cette ville qui doit être agréable en d’autres saisons, avec son grand fleuve Niger qui la traverse, et toute cette animation grouillante des cités africaines. Il faudra que je m’occupe de Bamako une autre fois. Pour le moment, mes petites balades en voiture climatisée d’un point à un autre, qui me permettent de sillonner la ville, me suffisent.

J’ai maintenant mon billet de retour. Je quitte le Mali le dimanche 27 avril dans la nuit, après la cérémonie de clôture organisée à Bamako. Je commence donc à envisager concrètement le retour. Le froid cette fois ci. Cela existe ? Le confort de ma maison. Mes bagages enfin débarrassés. Mes proches que je vais m’empresser de voir. Paris et son luxe inouï !